EXTRAITS  de KHÔN L’ANCIEN

 Une leçon de psychanalise par Sigh'Mound, ancêtre lointain, peut-être, de Sigmund Freud.

…le patient devenait bien vite intarissable, racontant dans le désordre tout ce qui lui passait par la tête :

-         Je vois des enfants seuls dans la forêt !... Attention les enfants, le brontosaure arrive… Il est furieux… Méfiez-vous de ses crocs… de ses griffes… de ses coups de queue… Ah ! voyez, il y a une caverne en haut de la colline… Courez, courez vous y réfugier… Vous y serez à l’abri et bien au chaud pour poursuivre vos jeux…

Le professeur commentait :

-         Quelle est la signification profonde de ces paroles anodines ? personne ne voit ?... C’est pourtant simple : le sujet est revenu au temps de son enfance (il prononce le mot « enfant »)… Son père va rentrer du travail de mauvaise humeur (« le brontosaure arrive, il est furieux »)… il va le battre (« méfiez vous de ses crocs, de ses griffes »)… Il va le sodomiser (« ses coups de queue »)… mais sa maman est là (« la caverne, symbole vaginal »)… S’il parvient à la rejoindre, il pourra continuer avec elle ses jeux érotiques (« bien au chaud, à l’abri »)… et voilà, CQFD !

Les applaudissements crépitaient. Un jour pourtant une étudiante fit preuve de mauvais esprit :

-         Mais professeur, le patient est-il guéri ?

-         Non, bien sûr, il lui faudrait, pour ce faire, une analyse longue et approfondie, ce qui est hors de question car il n’en a pas les moyens financiers (le professeur était très strict sur ce point : les séances n’étaient bénéfiques que si elles coûtaient cher).

-         Oui mais, insista la perturbatrice, s’il pouvait payer, guérirait-il ?

-         Pas d’avantage, répondit Sigh  Moun’d, mais au moins il saurait pourquoi il souffre. L’important dans le cours que je viens de dispenser, ce n’est pas le résultat, c’est la démonstration.

Il réussit cependant quelques cures  miraculeuses, dont une qui émerveilla les spécialistes : un patient ne pouvait atteindre l’orgasme qu’en caressant les seins de sa mère. Le Professeur posa les mains du sujet sur deux œufs de diplodocus et parvint à le convaincre sous hypnose qu’il pelotait la poitrine de sa génitrice. Il le guérit ainsi de son penchant pervers et appela tout naturellement cette expérience « œufs de diplodocus ». L’appellation subit les inévitables altérations du temps et, de contractions en contractions, on dit aujourd’hui «Œdipe »1

[1] Œdipe : OE (uf de) DIP (lodocus

’idée lui était venue par hasard en observant son dinosaure. Khôn avait remarqué, sans y attacher d’importance particulière, que sa monture se comportait de façon étrange lorsqu’il la menait paître dans le pré qui bordait la forêt à gauche de la caverne : à peine avait il brouté la valeur de quelques largeurs de langue que l’animal, habituellement peu porté sur la bagatelle, devenait soudain très agité et arborait des érections magnifiques qui faisaient immanquablement sortir du bois cinq ou six femelles désœuvrées. Elles formaient sagement une file d’attente et le dinosaure les honorait toutes, les vieilles comme les jeunes, les tops comme les cageots, sans marquer le moindre signe de lassitude. Il lui arrivait même parfois, quand la dernière était comblée, de revenir à la première et de recommencer le cycle.

Curieux de percer ce mystère et bien qu’il eût décidé depuis un certain temps de s’astreindre en public à la station debout, Khôn se mit à quatre pattes et remarqua aussitôt les petits champignons blanchâtres qui parsemaient l’herbe. Il en récolta deux poignées qu’il ramena à la maison.

— Meuf, dit-il à Marguerite, fais-moi une omelette aux champignons.

— Maintenant ?

— Oui pourquoi pas maintenant, t’as mieux à faire peut- être, foutrebordel ?

Marguerite n’avait pas mieux à faire et l’omelette fut vite prête. Elle servit son époux et se disposa à sortir.

— Tu restes là, lui dit Khôn, je vais avoir besoin de toi.

Il engloutit l’omelette, se dévêtit promptement, prêt à toute éventualité, et nu comme un ver , s’étendit sur les peaux qui couvraient le sol de la chambre à coucher. Cinq minutes s’écoulèrent qui n’apportèrent aucun changement notable. Khôn commençait à penser que les champignons blancs qui éveillait l’appétit sexuel de son dinosaure, ne pouvaient rien pour sa propre libido, lorsque soudain, sans aucun signe précurseur, le membre viril se dressa à la verticale avec la rapidité du cobra rencontrant une mangouste. Il était une demi fois plus imposant qu’à l’accoutumé et plus rigide qu’un fémur de brontosaure.

— Putain ! s’écria Marguerite admirative, comment tu fais çà ?

Mais Khôn n’était pas disposé à fournir des explications. Il fit choir sa compagne près de lui et, soufflant et suant d’abondance, il entreprit de l’honorer comme jamais elle n’avait rêvé de l’être. Des heures durant, il la besogna par devant, par derrière, couchée, debout, assise, sur le côté, sur les genoux, sur les mains, sur un pied, sur l’autre, et recommença.

   Marguerite, éperdue, commentait, entre deux râles :

— J’le crois pas, je rêve ! Quand je vais raconter ça aux copines…

Enfin Khôn décida que la séance avait assez duré. Il plongea son oriflamme dans l’eau glacée de la source à l’entrée de la grotte, l’y maintint deux heures durant et réussit ainsi à apaiser le feu qui lui dévorait le bas-ventre.

— Bon, c’est pas tout ça, meuf, faut qu’on cause sérieux.

 Et il raconta tout : le pré, le dinosaure, les champignons, et surtout comment lui, Khôn, avait eu une idée de génie pour financer ses campagnes électorales :

— Comment se faire de la tune quand on est le fils de personne ? Les bons filons juteux ça sort pas de la famille. On est apothicaire, huissier, banquier ou idole des jeunes de père en fils et c’est aussi de père en fils qu’on est zéb’oueur ou au chomdu. Si tu connais pas au moins une arrière cousine de la concierge d’une vedette, t’as aucune chance d’entrer dans le chaubiz ou dans n’importe quoi où qu’y a du blé à prendre. Ya qu’une chose qu’elle est la même pour tous et c’est le sexe. Un PDG ça bande ni mieux ni plus fort qu’un plombier zingueur. C’est même souvent le contraire, et c’est là que j’interviens !

Marguerite peu habituée à d’aussi longues tirades ne comprenait toujours pas :

— Et comment que t’interviens ?

Khôn, méprisant, la considéra longuement avant de lancer triomphalement :

— Tu vois pas ?... Les champigons, pauv’ tache, les champignons, foutrebordel… !