SKETCHES HUMORTISTIQUES

 

 LA FILLE DE FERME

 SUICIDONS-NOUS


 

 

 

 


            LA FILLE DE FERME   
 

 

Le garçon (G)déclame toutes ses répliques sur un ton emphatique. La fille (F) parle avec un fort accent campagnard.
 
 
G.  (seul en scène, tourné vers les coulisses. Il chante):
C'est pour vous que je chante, lorsque descend la nuit,
Sous le ciel étoilé, sous la lune qui luit,
Cette chanson d'amour, ce doux chant de bonheur
Qui bientôt unira votre cœur et mon cœur...

F. (elle surgit des coulisses en chemise de nuit avec un bonnet et de grosses chaussettes. Elle brandit une fourche qu'elle pointe vers G.) Oh! c'est quoi, ce boucan? C'est pas bientôt fini ce raffut, que ça me réveille tout le poulailler et que ça me fait tourner le lait de la Blanchette! Et qu'est-ce que vous faites là vous? Vous n'êtes pas d'ici, je vous ai jamais vu! Qui que vous êtes?

G. Auriez-vous oublié, Ô douce et tendre Agathe,
Qu'entre mes bras puissants vous vous abandonnates
Pour les jeux de l'amour, dans la meule de foin?
C'était dimanche soir, est-ce déjà si loin?

F. Ah, si c'était dimanche ça se peut que je m’abandonnates, faut bien se distraire, faut bien que le corps ex... ex... que le corps expulse! mais si vous croyez que je me rappelle les détails.

G. Vous appelez détails nos ébats amoureux,
Votre corps sous mon corps et mes yeux dans vos yeux...

F.  Parce que vous croyez que la Blanchette elle se rappelle comment qu’ils étaient, les yeux du taureau ? Elle peut même pas les voir les yeux, placée comme elle est : elle lui tourne le dos au taureau pendant qu’il la … pendant la chose. (soudain inquiète) :  c’était pareil,  nous deux ?

G.  Ces précisions, vraiment, je m’en désintéresse,
La position n’est rien si l’on atteint l’ivresse

F.  L’ivresse ! Dites-donc vous, faites un peu attention à comment que vous me causez ! L’ivresse  mon œil, j’avais bu que trois ou quatre chopines, m’en faut plus que ça.

G.  Il y a confusion, douce Agathe, je pense,
Je parle quant à moi de l’ivresse des sens

F.  L’ivresse d’essence, ça va pas la tête ? Je me bourre pas à l’essence, moi, non mais des fois ! L’alcool à brûler je dis pas, mais l’essence… ça n’a pas de sens. Et pis on peut savoir pourquoi que vous êtes venu me réveiller en pleine nuit, comme ça ? Si c’est pour la bagatelle, faudra attendre dimanche ; et encore c’est pas sûr vu que l’Thomas et l’Mathieu ils en peuvent plus depuis le temps que je les fais poireauter
 
G. Que m'importe Thomas, que m'importe Mathieu,
Leur libido perverse et leurs desseins vicieux?
Je suis venu, Agathe, demander votre main
Car je suis tout à vous, ne le sentez-vous point?

F.  Je sens rien du tout moi... à part la fosse à purin peut-être... Bon tout ça c'est bien gentil, mais je me marie pas avec un môssieur de la ville, moi. Et pis en plus, vous voulez que je vous dise: dimanche, dans le foin, c'était pas terrible, j'ai même pas eu un orgasse

G. Pas d'orgasme du tout? Allons, laissez-moi rire,
J'ai très bien entendu votre cri de plaisir.

F.  C'était pas moi, c'était la chouette. Vous voyez, vous connaissez rien à la campagne!

G.  J’apprendrai, tendre Agathe, je vous en fais serment
Et je m’initierai à tous les instruments,
Le râteau pour creuser, la charrue pour scier,
  La serpe pour couper cerisiers et pommiers

F.  Mais vous voulez ma ruine, c’est pas Dieu possible ! La terre ça se travaille pas en amateur, faut être né dedans. Et pis, pas besoin de parler aux poules et aux moutons en aless… en alessandrins, ils comprennent que le patois.

G.  J’emmènerai les coqs brouter le blé, là-bas,
Je tirerai le lait des boucs et des verrats,
Je laverai les oies je tuerai les lapins
Pour faire avec  leur sang de délicieux boudins

F.  Du boudin de lapin, qu’est-ce qu’il faut pas entendre ! Je savais qu’ils tournaient pas rond les gens de la ville, mais je m’imaginais pas qu’ils étaient pollués à ce point-là. Et dites-moi ce que vous ferez d’autre, qu’on rigole un bon coup.

G.  Je serai ton Rodrigue, tu seras ma Chimène,
Ensemble nous ferons prospérer ton domaine…

F.  Mon domaine ? Mais c’est pas mon domaine, sinon j’aurais des picaillons. Et j’en ai pas, des picaillons, j’ai que le SMIC, vu que je suis que fille de ferme moi , ici.

G.  Cela ne change rien car je t’ai dans le derme,
Peut me chaut que tu soies (soudain il comprend et change complètement  de ton)…                              une fille de ferme!
Tu me laisses parler comme parlait Molière
Et tu n’es même pas fille de la fermière !
A quoi sert que je chante et que je m’escagasse,
Tu pouvais pas le dire un peu plus tôt … Pétasse !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   SUI

CIDONS NOUS !  

 

Elle (E), très BCBG et très exaltée est debout sur le devant de la scène. Elle déclame ses répliques avec emphase, façon tragédie antique. Lui (L), en tablier de cuisine, est assis de ¾, dos au public. Contrairement à elle, il est très calme et parle sur le ton de la conversation courante.

E. Enfin l’heure est venue des amours éternelles,
Une étrange émotion quelque part m’interpelle,
Et pour garder en nous le souvenir profond
De nos nuits de passion qui font rougir mon front,
Mourons z’Ô mon amour, la mort est une fête,
La mort est communion…

L. (il se tourne, il tient un grand couteau)
                                                Oh, ça va pas la tête ?
Moi j’ai envie de vivre encore un tout p’tit peu
Et je ne suis pas prêt à entrer dans ton jeu.
Tu peux si ça te plaît jouer les trépassés,
Mais trépasse sans moi, moi je suis pas pressé.

E. Pourtant vous me jurâtes, l’avez-vous oublié,
Qu’avant qu’il soit minuit vous nous suicideriez,
Qu’ensemble nous irions, pour un dernier voyage,
Saluer le Bon Dieu assis sur son nuage,
Et ce sombre couteau que vous vous procurâtes,
Je crus que c’était pour …

L.                                      éplucher les patates !
Qui qui va s’occuper de mon biftèque-frites ?
C’est pas des choses, ça, qu’on fait à la va-vite.
Faut peler avec soin, presque amoureusement,
Comme me l’a appris ma pauvre vieill’ maman

E. L’amour n’est donc pour vous qu’un court moment de joie
Entre pomme-purée et gratin dauphinois ?
Je déchire mon âme, je fouille en mon égo,
Et je m’adresse à qui ? un inculte Ostrogoth
Que rien ne peut toucher et dont l’humeur ingrate
Ne se peut émouvoir …  

L.                               Faut qu’ j’épluch’ mes patates !
Tu me la joues mélo, je ne suis pas ton psy,
C’est pas ma faute à moi si t’es un peu zarbi,
Et quand tu dis qu’il  faut que je nous assassine,
J’imprim’ pas, j’le crois pas, c’est pas vrai, j’hallucine.

E. Par ce serment trahi vous vous faites parjure,
Et vos propos grossiers me sont autant d’injures.
C ‘est bon, je me retire au-dedans de ma bulle,
J’assume ma douleur et vous... vos tubercules.

L. C’est pas des tubercules, c’est des bonnes Charlotte,
Celles qu’accrochent pas au fond de la cocotte.

E. Ô Tristan et Iseut, Roméo et Juliette,
Que les temps ont changé, ils sont morts les poètes !
Je plongerai donc seule cette lame en mon cœur …

L. Cette lam’ comm’ tu dis, peut mêm’ pas couper l’ beurre !

E. …et j’attendrai confiante, à l’heure de ma mort
Votre dernier baiser …

L.                                    Et mes patat’ alors !

 

 

 




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