ADIEU,  L’AMI  

L’espace d’un éclair ou le temps d’un soupir,

Le sablier se vide et il te faut partir,

Fermer inachevé le livre à peine ouvert,

Quitter la symphonie au milieu du concert,

Cesser de griffonner des rimes indécises,

Interrompre à jamais la besogne entreprise,

Laisser la pomme à l’arbre, les garennes au gîte,

Arrêter d’effeuiller la tendre marguerite,

Accepter que le pré retourne à la jachère,

Clore enfin tes volets et ta porte cochère.

 

 

L’espace d’un éclair ou le temps d’un soupir,

Le sablier se vide et il te faut partir,

Dire adieu à ton chien dont le regard s’embue,

Embrasser les amis que tu as mal connus,

Verser un dernier pleur sur de brèves amours,

Enterrer les projets qui n’ont pas vu le jour,

Abandonner la chaise à l’ombre des charmilles

Les dimanches d’été quand fleurissent les filles,

Et les yeux pleins d’envies encore inassouvies,

Tu dois quitter la table, tu n’y es plus servi.

 

 

L’espace d’un éclair ou le temps d’un soupir,

Le sablier se vide et il te faut partir,

Tu dois rompre la chaîne, abandonner la ronde

Qui continue sans toi, dire adieu à ce monde

Après trois petits tours, après un bref passage.

Mais tu peux aborder serein l’autre rivage

Car tu as su sourire et tendre franc la main

Aux amis inconnus et jamais tu n’as craint

De pleurer de leurs larmes et rire de leurs rires,

L’espace d’un éclair ou le temps d’un soupir

 

 

J'ETAIS SEUL ET TU ES VENUE...

J'étais seul et tu es venue, 

D'un ailleurs qui m'est inconnu, 

D'un monde teinté de mystère,

Et j'ai enfourché la chimère

Que tu m'apportais en offrande,

Moi qui n'avais d'autre demande

Que poser mon front dans ta main

Et vivre là mes lendemains.

 

J'étais seul et tu es venue, 

D'un ailleurs qui m'est inconnu. 

Dans mon âtre mourait la flamme,

J'étais froid jusqu'au fond de l'âme,

Comme un mort qu'en terre l'on couche,

Et tu m'as donné bouche à bouche

Peau contre peau, corps contre corps,

Le feu de mille soleils d'or

 

J'étais seul et tu es venue,

Inconnue je t'ai reconnue

Quand tu t'es avancée vers moi,

Je t'avais rêvée tant de fois.

Je savais avant que de naître

Que tu allais un jour paraître,

Du fond des temps, du fond des âges,

Et m'emporter sur ton nuage

 

J'étais seul et tu es venue...
 

 

LORSQUE DESCEND LE SOIR

Lorsque descend le soir,

Souvent je vais m’asseoir

Près du vieux magnolier

Au pied de l’escalier,

Et j’attends que pénètre

La calme dans mon être.

Je demeure immobile,

La rumeur de la ville

S’estompe lentement

Et c’est l’enchantement :

L’ombre se fait épaisse,

Et voici que renaissent

Les senteurs et les bruits

Qui précèdent la nuit.

Comme en un florilège,

Au loin quelques arpèges,

S’égrenant en cristal

Donnent un récital,

La chouette qui s’éveille

Quand s’éteint le soleil,

Sur sa branche perchée,

Convoite une nichée,

Le miaulement sourd

D’un chat en mal d’amour,

A travers la campagne

Appelle une compagne,

Un pâle rai de lune

Eclaire l’aile brune

D’un oiseau qu’a surpris

La nuit loin de son nid,

Et la faune et la flore

Se rappellent encore

La courbe de ton cou

Dans la pénombre floue.

Mais le vent qui se lève

Et qui brise mon rêve

A soudain ridé l’eau,

Fait bruire le bouleau,

Tandis que les nuages

Crèvent en un orage,

Et la girouette pleure

La mort lente de l’heure.

 

 

IL PLEUT SUR NOTRE AMOUR

 

C'est une pluie d'avril

Sur le jardin tranquille

Qui lentement s'éveille,

Et voilà qu'une abeille,

A l'aile un peu froissée,

Doucement s’est glissée

Dans la première fleur

Ouverte avant son heure. 

Notre amour vient d'éclore

Tendre et timide encore,

Hésitant et fragile,

Comme une pluie d'avril


 

C'est une pluie d'été,

Pesante et entêtée

Qui tombe à larges gouttes

Sur la campagne d'août.

Les blés sont engrangés,

De la terre gorgée

Une puissante odeur

Monte des profondeurs.

Ne soyons plus qu'un corps,

Qu'un être, qu'un accord,

Un soleil éclaté

Qui coule en pluie d'été


C'est une pluie d'automne

Au rythme monotone

Qui tristement ruisselle.

Déjà les hirondelles,

Réunies sur un fil,

Préparent leur exil.

Le vent pousse les feuilles

Jusque sur notre seuil,

La flamme dépérit

Sous le ciel triste et gris

Et notre amour frissonne

Sous cette pluie d'automne

 

C'est une pluie d'hiver

Qui frappe de travers

Sous le vent de décembre

Les vitres de la chambre.

Dans l'âtre le feu meurt,

Et se glace mon cœur,

Et se vide ma tête.

J'entends la girouette

Qui pleure sur le toit,

Le cerf qui brame au bois,

La pluie d'hiver dehors,

Et notre amour est mort.

 

 

 

 

 

 

 




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